Avant que je ne raconte mon histoire, il faut que je vous fasse une confidence… À la naissance, je n’étais pas seul puisque j’avais un frère jumeau, né quelques minutes avant moi. Qui était-il ? Kalel James Lincoln. Moi, je suis né cinq minutes plus tard. Je suis Noah Brooklyn Lincoln. Cela vous paraît dingue, n’est-ce pas ? Et pourtant, ça ne l’est pas tant que ça… Lisez mon histoire et peut-être que les événements vous sembleront moins étranges.

Je m’appelle Noah et je suis le vilain petit canard de la famille Lincoln. Déjà enfant, je savais que je n’étais pas celui qu’on mettait le plus en avant parce que je faisais beaucoup de bêtises et je n’aimais pas être un parfait petit angelot contrairement à mon frère jumeau qui s’attirait les grâces de nos parents ainsi que de la famille. Il était tellement parfait, tellement adorable, tellement gentil et aimant alors que Noah lui, qu’est-ce qu’il était nerveux et peut-être un peu jaloux de son frère. J’en entendais des belles et surtout de belles conneries, quoique… Il est vrai que j’étais parfois de jaloux de Kalel parce qu’il avait toujours tout ce qu’il voulait, il n’avait jamais aucune punition et il pouvait faire des caprices, on lui pardonnait toujours parce que le reste du temps, il était adorable. Alors que moi, mes caprices ne passaient pas du tout et j’étais sans cesse puni parce qu’à côté de cela, je ne faisais rien de parfaitement adorable.

Kalel et Noah. Noah et Kalel. Outre nos différences de caractères et de comportements, on était parfaitement identiques au niveau du physique. Les gens n’arrivaient pas à faire la différence et on s’amusait souvent de cette gémellité. On trompait aussi nos parents qui confondaient l’un et l’autre lorsqu’on ne disait pas un mot et lorsqu’on restait tranquille l’un à côté de l’autre. Je ne vais pas prétendre que je n’aimais pas mon frère, il faisait parti de moi, mais je ne parvenais pas à être vraiment proche de lui parce qu’on était justement trop différent. On n’avait pas grand-chose en commun et on ne parvenait pas à être d’accord sur différents sujets. Et puis, il était proche de nos parents alors que moi, je ne l’étais pas vraiment. J’étais avec eux mais cela n’allait jamais plus loin. Quelques mots échangés. Quelques phrases balancées rapidement et je disparaissais dans ma chambre ou ailleurs.

Les années ne changeaient rien à cette distance. Plus ça allait, moins je m’entendais avec eux et je ne peux pas dire que cela me faisait de la peine, je crois que j’en étais assez indifférent. Je n’avais pas l’impression qu’ils m’aimaient vraiment, comme si un seul jumeau avait droit à tout ce qu’il y avait de bon chez eux. Kalel aussi me tapait sur les nerfs, mais je parvenais mieux à le tolérer. Je lui présentais des jeunes demoiselles, on sortait parfois en groupe, nos amis confondus. Ouais, on n’avait pas le même groupe parce que là encore, nos amis étaient trop différents, mais on savait passer outre lorsqu’on se voyait tous. Avec lui, on faisait pas mal de trucs ensemble, nos études, le permis et le reste… Cela faisait parfois rire les gens ; les jumeaux surprennent toujours.

Et puis, il y avait eu cette fameuse soirée où on était sorti tous les deux. C’est moi qui conduisait normalement, mais j’avais pas mal bu en faisant quelques jeux stupides avec mes potes. Cela nous faisait rire de faire des jeux alcoolisés, même si cela paraissait stupide aux yeux des autres. Alors comme je ne pouvais pas conduire, c’est Kalel qui avait prit le volant, mais il avait prit mon permis de conduire dans sa poche. On faisait un peu les cons dans la voiture, du moins, on se racontait des conneries, c’était sympathique, jusqu’à ce qu’on percute une autre bagnole.

Je ne peux vous dire comment cela s’est passé parce que je n’ai aucun souvenir de ce moment, mais juste du moment où je me suis réveillé à l’hôpital. Je voyais mes parents qui pleuraient à chaudes larmes et je ne comprenais pas pourquoi jusqu’à ce que des images me reviennent. Mais moi, je pensais que Kalel allait bien. Sauf que ce n’était pas le cas. J’entendais mes parents qui se demandaient comment ils allaient me le dire, comment j’allais être, ils craignaient parce qu’ils pensaient que j’étais trop fragile. Moi, fragile ? C’était une blague ? Du moins, je le croyais jusqu’à ce qu’ils parlent. « Kalel ? Mon chéri ? Nous sommes là… » Je comprenais encore moins. Pourquoi est-ce qu’elle m’appelait Kalel ? Est-ce qu’elle ne me reconnaissait pas ? « Il faut qu’on t’annonce quelque chose… » La voix de mon père me sortait de mon questionnement. Dans le fond, je savais déjà ce qu’ils allaient dire, du moins, en partie… « Ton frère… Noah n’a pas survécu à l’accident… » Je n’avais pas survécu mais j’étais juste devant eux ?

Je n’avais pas compris, mais je n’avais rien dis… J’avais compris ensuite… Les pompiers avaient trouvés mon permis de conduire dans la poche de la veste de Kalel et avaient donc déduis qu’il était Noah, donc moi… Ainsi, j’étais mort à sa place tout en étant vivant… Cela peut paraître dingue, complètement fou, mais je n’ai rien dis. Je ne voulais pas qu’ils apprennent la vérité parce que je me disais que la mort de Kalel allait les détruire bien plus que la mienne. Alors oui, il a fallu que j’entre dans sa peau, que je devienne ce gentil petit jumeau parfaitement adorable et parfois niais à souhait. J’aurais pu dire la vérité, mais je n’en n’avais pas envie. Pour une fois, je me sentais vraiment aimé… même si je savais que cet amour ne m’était pas destiné. Vous allez me dire que je suis cruel, pas vrai ? Peut-être, mais je m’en fiche… En peu de temps, Noah a été effacé, ses problèmes aussi et ses emmerdes avec… Je suis devenu Kalel et être lui ne me dérange plus depuis que je ne suis plus dans ma ville natale.

Aujourd’hui je vis à Newcastle où je poursuis des études tout en bossant à côté parce que j’aime avoir de l’argent et faire tout ce que je veux. Même si mes parents m’aident bien, j’aime aussi faire tout ce que j’ai envie sans rendre de compte. Cela fait des années que je vis en tant que Kalel, mais je sais que Noah ne s’efface pas… Je suis Noah, Kalel n’est qu’une couverture, Kalel n’est que le fantôme d’un jumeau mort à qui j’ai volé la vie, parce que je ne supportais plus la mienne.